rhizomecollective.org
Image default
Alimentation / Nutrition

Le fletchérisme du grand masticateur pour mieux mâcher

On connaît tous le proverbe « Il faut tourner 7 fois sa langue dans sa bouche avant de parler »… mais que penser du précepte d’Horace Fletcher :

Il faut mâcher 32 fois un aliment avant de l’avaler

Idée farfelue ? Ou conseil de bon sens ?

Essayons de comprendre !

Qui est Horace Fletcher, surnommé le « Grand masticateur »

Horace Fletcher était un homme d’affaires américain (1849 – 1919), qui souffrait d’indigestion chronique et de surpoids. Déjà sensibilisé aux bienfaits des nourritures saines, il a donc cherché des solutions dans son alimentation.

Ses expériences l’amenèrent à conclure :

  • que ses soucis digestifs étaient dus à une mastication insuffisante de ses aliments, provoquant une surcharge de travail pour son organisme
  • qu’il faut manger avec la conscience de ce qui se passe dans le corps
  • qu’il faut bien connaître les aliments que l’on consomme

Il a alors établi une méthode d’alimentation :

  • Mâcher les aliments 32 fois (parce que 32 dents !), jusqu’à ce qu’ils deviennent une bouillie, avant de les avaler
  • Mastiquer aussi les liquides 15 secondes
  • Recracher ce qui ne peut pas être liquéfié (comme les fibres)
  • Privilégier une alimentation pauvre en protéines
  • Supprimer le café, l’alcool et le thé
  • Attendre d’avoir faim pour manger
  • Savourer chaque bouchée
  • Ne pas manger dans des situations stressantes : fatigue, anxiété, colère, etc…
  • Peser ses excréments pour vérifier la qualité de la digestion

Sa méthode a-t-elle été efficace ?

Grâce à son régime, il solutionna ses problèmes de digestion,  perdit beaucoup de poids, améliora sa santé dentaire, et retrouva une très bonne forme physique : il pouvait parcourir des dizaines de kilomètres à vélo (avec un vélo de l’époque, donc sans vitesses), et n’hésitait pas à affronter les meilleurs athlètes.

Il devint évidemment la meilleure publicité de sa méthode, et fut suivi par des personnages célèbres comme Rockefeller et Edison.

Les régimes pour maigrir étaient-ils donc déjà à la mode à la fin du 19ème siècle ?

Si les rondeurs ne sont pas mises en valeur aujourd’hui (quoiqu’une certaine réflexion à ce sujet commence à poindre le bout de son nez…), cela n’a pas toujours été le cas !

Les premières sculptures humaines de la préhistoire montrent des corps de femmes aux formes généreuses, peut-être symboles de fécondité.

Pendant l’Antiquité, être « rond » signifiait qu’on était riche et beau… ou paresseux et inactif.

L’époque médiévale fait la chasse à la gourmandise, qui devient un péché… les personnes obèses sont condamnées à l’enfer.

La Renaissance voit le retour des formes pulpeuses, largement représentées sur les tableaux des peintres célèbres de cette époque.

Au 17ème siècle, les femmes se serrent la taille dans des corsets pour paraître plus minces.

Au 18ème siècle, on pense que l’obésité serait due à la luxure, et on utilise les laxatifs pour éliminer.

Au 19ème siècle, on apprécie les femmes corpulentes, symboles d’une maternité épanouie… ou les corps amaigris, symboles de cette mélancolie chère aux romantiques.

Au 20ème siècle, la mode « garçonne » avec ses corps androgynes, puis la mode « pin-up » pulpeuse d’après-guerre, précèdent hélas ce que l’on connaît actuellement : l’apologie de la minceur et des « beautés » photoshopées !

On trouve beaucoup moins de traces des canons de beauté masculine à travers l’Histoire. Signe que ces messieurs se souciaient moins de cet aspect ? Ou que le regard des artistes était essentiellement masculin ?

Pourtant Fletcher s’est inquiété de ses kilos excédentaires, suite à la réponse d’une compagnie d’assurance, qui refusa de lui souscrire un contrat en raison de son poids excessif. La preuve qu’on était déjà conscient de l’impact du surpoids sur la santé.

Si quelques scientifiques au 19ème siècle avaient déjà émis des hypothèses quant au lien alimentation /obésité, et proposé quelques solutions, le fletchérisme a  marqué le début d’une longue série de régimes plus ou moins efficaces et utiles :

  • Régime dissocié qui sépare glucides et protides
  • Régime où on compte les calories
  • Régime hypoglucidique
  • « Pilules » de régime
  • Cures de tisanes, d’algues, de lait…
  • Régimes d’exclusion
  • Substituts de repas
  • Mono diète
  • Etc…

Il est certain que le fletchérisme peut paraître bizarre, irréaliste ou insensé :

  • Mastiquer demande du temps (peu compatible avec la vie sociale actuelle) et est fastidieux, ce qui peut vite décourager
  • La suppression systématique des fibres n’est pas une bonne solution pour les intestins
  • Ce régime autorise beaucoup d’aliments, à condition de les mâcher longtemps : on comprend l’aberration de ce principe… consommer ainsi des plats très gras ou très sucrés ou très industriels, n’est évidemment pas recommandé !

Mais il faut reconnaître que certains de ses fondements ne sont pas dénués de bon sens :

  • Prendre le temps de mastiquer correctement a plusieurs avantages :
  • Faciliter la digestion, grâce à l’action mécanique de fragmenter les aliments, et enzymatique de la salive qui commence la dégradation des glucides
  • Laisser au cerveau le temps d’envoyer un message de satiété (15 à 20 minutes) pour réguler l’appétit, et éviter une surconsommation inutile
  • Apprécier la saveur des aliments
  • Libérer les nutriments, dont une petite partie est absorbée directement sous la langue par voie sanguine (absorption perlinguale)

On rejoint ici la médecine ayurvédique dont un des concepts est : boire les aliments et mastiquer les boissons.

  • Manger quand on a faim: ce conseil paraît évident, mais ne correspond pas toujours à nos rythmes de vie actuels
  • Prendre les repas dans le calme permet de se concentrer sur le contenu de son assiette, et apprécier les personnes avec qui on le partage… sans parler de la digestion qui sera facilitée
  • Choisir les bons aliments et savoir en profiter : être conscient du rôle de la nourriture est une des clés d’une bonne santé

Ma conclusion :

Je ne suis pas fletchérienne, mais on peut retenir et adapter quelques principes du « Grand Masticateur »

  • Bien mâcher permet d’atteindre le point de satiété et réguler l’appétit:
  • Choisir des aliments fibreux, comme les fruits, les légumes frais ou secs : leur résistance aux dents déclenche la mastication
  • Eviter les aliments mous trop vite avalés : ils incitent à manger davantage
  • Commencer les repas par des crudités : mastiquer en début de repas prend du temps et accélère le rassasiement, tout en profitant des bienfaits de ces aliments.
  • Bien mâcher facilite la digestion:
  • Ne pas avaler des morceaux trop gros évite ainsi à l’estomac de produire une grande quantité de suc gastrique, responsable parfois de reflux gastro-œsophagien, et permet au transit de se dérouler sans obstacle
  • Laisser le temps à la salive d’imprégner les aliments pour ramollir le bol alimentaire, et permettre à l’enzyme (amylase) qu’elle contient de commencer la digestion des glucides, évitant les fermentations de l’amidon dans l’intestin (sources de ballonnements)
  • Laisser aux aliments le temps de se rapprocher de la température du corps
  • Limiter la quantité d’air avalé avec les aliments

A noter que le docteur Arnaud Cocaul, nutritionniste à la Pitié-Salpêtrière,  a repris l’idée de la mastication dans son livre « Le régime mastication« , paru aux Editions Souccar.

Et toi, que penses-tu du fletchérisme ?

Related posts

11 astuces pour profiter des bienfaits du persil frais

Irene

Curry de crevettes et courgettes au lait de coco : la recette facile

Irene

J’ai lu pour vous :  » Le charme discret de l’intestin « 

Irene